Les « Paris » du Globe-Cooker

Le goût des autres, Fred Chesneau le cultive depuis longtemps maintenant. Après 8 années d’exploration culinaire à travers le monde, ce passionné s’est mis en tête de jouer les prolongations sur un terrain de jeu plus modeste mais tout aussi motivant en termes de diversité et de gourmandise : Paris et sa banlieue. Plus qu’une émission de cuisine Les Paris du Globe Cooker – que propose Canal + à partir de dimanche 25 septembre – nous entraîne dans un Paris multiculturel et insolite à travers les traditions culinaires de douze communautés étrangères installées dans la capitale. Réveil des papilles, mélange d’émotions, ouverture à l’autre un vrai cocktail vitaminé à consommer sans modération. Rencontre avec un  hédoniste insatiable et généreux.

 

Luzy : La cuisine et vous : une histoire familiale? Une découverte sur le tard? Parlez-nous de votre rapport et de sa genèse?
Fred : Je suis un autodidacte, j’ai appris à cuisiner seul, par simple gourmandise et amour de la bouffe, en m’imprégnant au maximum des rencontres qui ponctuaient mes voyages ! Ma formation de départ, est beaucoup moins fun, j’étudiais l’économie, la gestion et le marketing. C’est l’envie de rassembler mes amis autour de moi et de partager ma passion qui m’a poussé à tout plaquer et ouvrir une école de cuisine, l’Atelier de Fred, il y a de ça 14 ans. C’est la meilleure décision que j’ai jamais prise de ma vie : je n’imaginais pas à quel point j’allais en apprendre sur le partage, la découverte, l’enrichissement personnel… Pour moi, la cuisine incarne toutes les valeurs qui me portent dans ma vie de tous les jours.

Luzy : A partir du 25 septembre vous proposez (sur Canal +) une série de documentaires intitulée « Les Paris du Globe Cooker » où vous allez à la rencontre de saveurs d’ailleurs à Paris. De la communauté chinoise du 13ème arrondissement aux camerounais de la Goutte d’or en passant par les Tamouls de Porte de la Chapelle ou encore les Syriens de Cergy votre Paris gourmand exhale la générosité, le partage, la convivialité et invite au voyage. D’où vous est venue cette idée? Pari réussi?
Fred : Tout d’abord, je suis très heureux de voir que le message est passé. Donc oui, je peux le dire, pari réussi !
Pendant les 10 années d’aventure avec les Nouveaux Explos, j’avais de nombreux retours de personnes qui soupiraient et me faisaient part de leur envie de pouvoir voyager de la même façon, découvrir des plats, des cultures… OK, je l’avoue c’était un job en or. Bourlinguer dans des pays fabuleux à la rencontre de gens incroyables et tout ça, autour de plats exotiques, atypiques. C’était une chance formidable. Mais je suis le premier à dire qu’un simple ticket de métro suffit pour être dépaysé : d’authentiques cantines chinoises, des gargotes marocaines ou des supermarchés indiens peuplent la capitale et sa banlieue. On dénombre pas moins de 100 communautés ethniques et religieuses à Paris, ce qui en fait la capitale des cuisines du monde. L’idée de mettre tout ça en scène me taraudait depuis longtemps mais l’élément déclencheur, ou la révélation en quelque sorte, m’est venu dans un resto turc que j’affectionne particulièrement : cela fait 15 ans que j’y mange religieusement toutes les semaines. C’est un micro établissement dans lequel je déguste une authentique cuisine kurde, et ce, pour une poignée d’euros. Situé en plein dans la petite Istanbul, le quartier turc de la rue du Faubourg Saint-Denis, Genç Urfua Dürum ressemble à tous ses confrères. Mais, c’est véritablement sa cuisine qui le sort du lot. Je me suis dit alors « ah, si les gens savaient… » Et c’est ainsi que tout a commencé. L’envie assez simple, à l’image de la cuisine, de partager, d’encourager à la curiosité, à l’exploration, bref c’est tout ça qui a donné naissance aux Paris du Globe-Cooker.

Luzy : Humainement parlant, quelle a été votre plus belle expérience?
Fred : Même si j’ai eu beaucoup de chance et que toutes les rencontres ont été belles, l’une d’elle sort effectivement du lot. Dans le cadre du tournage d’un épisode consacré aux Nouveaux Immigrés, j’ai fait la rencontre d’une famille irakienne qui est arrivée en septembre 2015 sur la base de loisirs de Cergy Pontoise. J’ai eu l’occasion de cuisiner avec la mère et le père de famille, Tahir et Ali, un festin typiquement irakien. L’idée était de cuisiner pour des compatriotes, réfugiés tout comme eux. Au cours de la préparation du repas, ils m’ont raconté ce qui les avait poussé à quitter leur pays, les conditions de leur voyage, leur arrivée en France. C’était tout à fait bouleversant. La cuisine est un formidable prétexte pour parler et échanger, j’en ai conscience depuis longtemps, mais je n’avais pas anticipé à quel point ça allait être fort. Par exemple, Tahir et moi cuisinions une recette irakienne qu’elle tenait de sa mère, une mère qu’elle ne reverra sans doute jamais. Ce plat devenait alors le seul moyen pour elle de se souvenir de son pays, de ses saveurs, et de sa famille.

Luzy :  Et en matière culinaire, quel plat (ou repas) a le plus réveillé vos papilles en particulier, vos sens en général?
Fred : Aïe, aïe aïe… vous me posez une colle. Tant de communautés explorées, des cuisines très différentes, c’est donc difficile de faire un choix. Loin de moi l’idée de botter en touche, mais disons que l’ensemble des plats que j’ai dégusté au cours de mes explorations parisiennes formait un tout délicieux, bien supérieur à la simple somme de ses parties.

Luzy : Une anecdote croustillante à nous dévoiler ?
Fred : Je ne sais pas si c’est croustillant mais ça vous fera peut-être sourire. La troisième communauté explorée dans la série, est la communauté chinoise de la capitale. La quasi-totalité de l’épisode est tourné dans le 3ème arrondissement, près des Arts et Métiers, qui est le plus vieux quartier chinois de Paris. Il se trouve que je connais très bien les lieux puisque j’y habite. Le Square du Temple, à deux pas, est animé toute la journée non seulement par des joggeurs mais aussi par des joueurs de ping-pong et dès 8h du mat, plus insolite, par un cours de taï-chi. Des dizaines de femmes chinoises (et quelques hommes tout de même), toutes entre 60 et 80 ans (et oui !) se réunissent autour d’un petit radiophone grésillant, qu’il pleuve ou qu’il neige ; et ce, tous les matins. Atypique et anachronique, tout comme j’aime. Pour mettre toutes les chances de mon côté de pouvoir filmer une séquence avec eux, j’ai intégré le cours pendant une dizaine de jours, histoire de me faire « adopter » et montrer patte blanche. Tous les matins, en plein mois de février par 0°C, en doudoune et avec mes gants, mais ça en valait largement la peine.

Luzy : Une recette à nous proposer?

Oui. le Gravlax de Saumon. Au fil des années, cette recette est devenue un de mes grands classiques. Le pendant scandinave des sashimis nippons en quelque sorte…

Pour le gravlax / Ingrédients (pour un gravlax pour 8 à 10 personnes)
1 filet de saumon de 1,5 kg avec la peau écaillée
4 bottes d’aneth
2 cuillerées à soupe de baies rose
8 cuillerées à soupe bombées de sucre semoule
8 cuillerées à soupe bombées de fleur de sel
1 cuillerée à soupe bombée de poivre en grains
20 cl d’aquavit (ou de vodka)
Pour la sauce à gravlax
2 cuillerées à soupe bombées de moutarde de Dijon
4 cuillerées à soupe d’huile de tournesol
2 cuillerées à soupe de sirop d’érable
2 cuillerées à soupe de vinaigre balsamique blanc
2 cuillerées à soupe bombées d’aneth haché
Citrons verts pour le service.

Essuyez le filet de saumon avec du papier absorbant. Enlevez ensuite les arêtes à l’aide d’une pince à épiler.
Ciselez les 4 bottes d’aneth. Écrasez grossièrement les grains de poivre et les baies roses. Mélangez le tout avec le sucre et le sel.
Disposez 2 bandes de film cello sur votre plan de travail en les faisant se chevaucher. Au centre, étalez sur 50 cm de long, un tiers du mélange. Posez le filet de saumon dessus, peau contre le film. Recouvrez la chair du saumon du reste du mélange. Arrosez d’aquavit ou de vodka. Rabattez les bords du film sur le dessus de manière à bien empaqueter le saumon.
Déposez-le dans un grand plat. Placez une planchette sur le dessus, surmontée d’un poids (2 grosses boîtes de conserve, par exemple). Réservez au réfrigérateur pendant 72 heures en veillant bien à retourner le paquet chaque matin.
Au bout de 72 heures : enlevez le film transparent, ôtez le mélange. Passez le saumon sous l’eau, puis essuyez-le soigneusement avec un papier absorbant.

Pour la sauce à gravlax
A l’aide d’un fouet, émulsionnez l’huile de tournesol et la moutarde. Ajoutez le vinaigre balsamique blanc, le sirop d’érable et l’aneth. Mélangez. La sauce est prête !
Pour le dressage
A l’aide d’un couteau à jambon, découpez des tranches de saumon de 2 millimètres d’épaisseur. Disposez-les dans des assiettes et nappez de sauce à gravlax. Disposez ¼ de citron vert dans chaque assiette. C’est prêt !
Le petit + : Une fois le gravlax préparé, vous pouvez le congeler et le découper au fur et à mesure de vos besoins. Ca permet en plus de pouvoir le trancher finement.

Luzy : La cuisine est incontestablement fédératrice, elle peut être un lien entre les gens, pensez-vous qu’elle favorise l’intégration interculturelle?
Fred : Absolument, c’est même tout le propos de la série. La cuisine, de fait, créée l’intégration interculturelle, c’est une évidence. S’il y a bien une chose que j’ai apprise lors de mes explorations culinaires à travers le monde, c’est que la cuisine est propice aux rencontres, à l’échange et au partage, mais c’est à Paris que j’ai pris pleinement conscience qu’elle était un formidable vecteur intégration. Des femmes et des hommes immigrés, exilés ou expatriés, venus des 4 coins du monde, usent de leur cuisine pour maintenir le lien avec leurs pays d’origine et affirmer leurs savoir-faire et leur identité, tout en se « nourrissant » de celle de l’autre. Derrière chaque recette, chaque tour de main ou ingrédient se cache l’histoire d’un peuple et de son de pays. Notre cuisine nous accompagne et nous habite, au même titre que notre langue maternelle ou notre ADN elle fait partie de nous. L’adage « dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es » prend alors toute sa dimension, celle de la transmission et de la mémoire. La cuisine est garante de l’Histoire et forme un trait d’union intergénérationnel et surtout l’héritage collectif. N’est-ce pas juste formidable ?


Portrait chinois

J’ai posé ensuite à Fred quelques questions sous forme de portrait chinois et voici ses réponses…

Si vous étiez un plat?
Un Tom Kha Kai, cette divine soupe thaïe à citronnelle et au galanga
Si vous étiez une épice?
Le poivre

Si vous étiez une sauce?
Une marinade à la vanille, au gingembre et au citron vert.
Si vous étiez un fromage?
De la Feta (mon amour pour la Grèce oblige !)
Si vous étiez un vin?
Un rioja, vin du Nord de l’Espagne.
Si vous étiez une boisson?
Un expresso bien serré pour être TAC-TAC-TAC dès le début de la journée
Si vous étiez un dessert?
Un Paris-Brest, j’en suis fou
Si vous étiez un restaurant?
Le mien dans quelques mois au cœur les Cyclades sur l’île de Paro (ça s’appellera « Stou Fred » (« Chez Fred » en grec)
Si vous étiez un marché parisien?
Le marché de Barbès sans hésiter ! Cosmopolite, petits prix, vaste choix de produits…

Si vous étiez un pays ou une culture?
J’ai droit à 2 : un pied en France et l’autre en Grèce !

Si vous étiez un trait de caractère ?
L’enthousiasme
Si vous étiez un rêve ?
Celui du vivre ensemble

Merci à lui pour son enthousiasme débordant, sa générosité et surtout pour s’être prêté au jeu de mes questions.

 

En savoir plus…

L’atelier de Fred
> Les Paris du Globe-Cooker :  La série a été réalisée par Olivia Chiché et Jean-François Julian et produite par l’Atelier de Fred Production et Fighting Fish. Les six épisodes seront diffusés à partir du dimanche 25 septembre à 14h45 jusqu’au dimanche 30 octobre, chaque semaine sur CANAL+ en crypté. Les épisodes durent 52 minutes et mettent en avant les traditions culinaires de deux communautés présentes à Paris.

 

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