Jean Paul Gaultier aux Folies Bergère

Un nounours et des icônes de ciné, la fashion police et les nuits au Palace, des battles de sapeurs et de vogueurs, de la musique, des lumières et des dizaines de looks devenus légendaires, plus que le parcours de l’éternel « enfant terrible de la mode », ce Fashion Freak Show raconte les mille et une vies de Jean Paul Gaultier. En réunissant sur la scène des Folies Bergère sa mode et ses coups de cœur, ses rencontres, ses défis, ses complices et ses amis, le plus français des couturiers poursuit ce rêve de gamin qui a fait sa légende : émerveiller dans la générosité.

Invitée à ce spectacle, je vous avoue que je ne boude pas mon plaisir à imaginer que la magie, la fantaisie, l’excentricité et la diversité devraient être les maîtres mots du show.

Alors Jean Paul, comment est née l’idée d’un tel spectacle? L’idée d’un show qui mêle la revue, la mode et plus encore est née naturellement au fil des ans. J’ai toujours adoré les spectacles, la scène, cette ambiance si particulière. D’ailleurs, je n’aurais probablement pas fait de mode s’il n’y avait pas eu de défilés.

Mais c’est quand même un autre exercice? Je l’ai fait à ma façon. On me disait : il faut un livret, je n’en voulais pas. Il faut un narrateur, j’ai préféré plusieurs narratrices. J’ai écrit visuellement, en imaginant une succession de tableaux qui racontent, davantage que ma vie, mon voyage dans la mode, la création, l’envers du décor qui, comme une doublure de veste, est souvent aussi beau que ce que l’on voit au premier regard.

Avez-vous des souvenirs de revues? C’est plutôt le cinéma qui a décidé de ma vocation. Le film Falbalas de Jacques Becker (1945), une histoire d’amour sur fond de maison de couture, a été décisif. Sans Falbalas, et sans Micheline Presle, pas de mode pour moi. Plus tard, j’ai découvert Lola Montès de Max Ophüls (1955), avec Martine Carol : chef-d’œuvre! Et puis French Cancan de Jean Renoir (1954), avec Maria Felix et Jean Gabin. J’ai toujours adoré ces personnages de femmes fortes, parfois à l’excès mais jamais caricaturales.

Vous avez toujours aimé la scène? Je l’adore. Le podium du défilé a longtemps été ma scène à moi. Mon premier souvenir, c’est sans doute une opérette au Châtelet, Rose de Noël (mise en scène par Maurice Lehman en 1958), vue à la télévision avec ma grand-mère quand j’étais petit garçon : ensuite, encore à la télévision, un extrait de la revue des Folies Bergère. Du coup, je me suis mis à rêver que mon nounours Nana devienne meneuse de revue. Et puis j’aime les héroïnes de ces scènes-là : Zizi Jeanmaire transformée en oiseau de paradis par Yves Saint Laurent que j’ai eu la chance de voir lors de mes débuts, et Joséphine Baker lors de son dernier spectacle à Bobino une semaine avant sa mort.

Vous la convoquez d’ailleurs sur scène. Je lui rends un hommage dans mon spectacle, à ma façon : il y a une fille et un garçon, une Joséphine et un Joséphin, vêtus de la ceinture de bananes.

Mais le Fashion Freak Show n’est pas à proprement parler une revue, ne serait-ce que par le choix du mot « freak »…
L’idée était de montrer ma vision de la mode, en clignant de l’œil aussi bien au film chef-d’œuvre de Tod Browning qu’au spectacle The Rocky Horror Show (créé par Richard O’Brien), que j’ai découvert à Londres dans les années 1970. Mes freaks à moi sont là depuis mes débuts. J’ai ainsi toujours fait défiler des grandes et des petites, des minces et des rondes, des jeunes et de plus âgées. Au stéréotype de la femme fleur, j’ai tendance à préférer celui de la femme chardon!

Vous avez habillé les plus grands artistes, de Madonna à Lady Gaga en passant par « M », Mylène Farmer ou Kylie Minogue, signé des costumes des films de Luc Besson ou Pedro Almodóvar et bien d’autres encore, quelle est la différence entre habiller une star et votre propre troupe? Avec des stars ou des réalisateurs, je suis au service de leurs envies et je m’implique énormément. Ici, c’est différent, c’est pour moi. Je suis seul maître à bord. Je redeviens ce que je suis à savoir un couturier qui raconte son (ou ses) histoire(s).

Et qui travaille en famille…
J’ai eu la chance de pouvoir réunir des proches. La talentueuse Tonie Marshall (fille de Micheline Presle) cosigne la mise en scène, les photographes Pierre et Gilles, vieux complices de mes nuits au Palace, produisent une image. Et puis des nouvelles, comme la géniale chorégraphe Marion Motin, la top Anna Cleveland (fille de Pat, mannequin légendaire) ou encore la chanteuse Demi Mondaine que j’ai découverte en regardant « The Voice ».

Et vous, serez-vous sur scène? Ah! Bonne question. Mon métier, ça n’a jamais été d’être sur le devant de la scène. Même si j’ai appris depuis pas mal de temps à dominer mon trac, je crois qu’ici comme sur un défilé, ma place est avant tout en coulisses.

La Fashion Freak Show est à découvrir jusqu’au 21 avril 2019 aux Folies Bergère.

© Luke Austin (grande photo illustrative) / Autres photos © Boby

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