Rodin – Jacques Doillon

Immersion dans un atelier d’artiste. Froid, sinistre, vert de gris, inondé de poussière de plâtre. Rodin de dos, imposant, regarde la Porte de l’enfer dont l’Etat vient de lui passer commande. Ornée une fois aboutie de onze bas-reliefs représentant la Divine Comédie de Dante, elle interpelle alors le sculpteur qui hésite quant au positionnement de ses âmes damnées sur les linteaux de son oeuvre. Qui mieux que sa protégée et maîtresse Camille pour l’aider à démêler l’écheveau? Des amants passionnés travaillant de concert, créant d’un même élan, se nourrissant de leurs talents respectifs. Observer puis créer, deux facettes d’un même rapport à la beauté des corps. Le corps en tant que vecteur  d’expression des mouvements de l’âme, support aussi des fantasmes d’un artiste qui tout au long de sa carrière en fera une source inépuisable d’inspiration dans sa recherche de perfection. Au travers les yeux de Rodin campé par un incroyable Lindon, c’est cette réflexion, cette introspection d’où surgira un chef d’oeuvre de sculpture que filme surtout Jacques Doillon. Pas de débordement nerveux comme dans le film de Nuytten. La passion affleurante pour l’art du travail bien fait distillée dans les veines. La folie palpable aussi de Claudel montrée avec pudeur et sans démesure lorsqu’elle comprend qu’elle vivra toujours dans l’ombre du travail de son mentor. La relation centrale entre ces deux artistes et la passion de Claudel pour son art en souffrent quand même légèrement, desservies également par Izia Higelin un brin insipide que l’on ne peut s’empêcher de comparer à Adjani en d’autres temps qui elle foutait ses tripes sur la table. Alors que Lindon, lui, en Rodin crève l’écran.

Sensualité des gestes, corps en distorsion, muscles saillants, lumières savamment maîtrisées offrant des scènes digne d’un tableau de Renoir, la poésie s’installe. Assez paradoxalement la radicalité, l’austérité s’y mêlent. Rodin scrute et sculpte Hugo, Balzac parfois dans des élans besogneux cherchant à reproduire avec une précision chirurgicale chaque courbe, chaque sinuosité.

On retiendra cette maxime qui s’applique tant à Rodin qu’à Doillon Je ne cherche pas à plaire, je veux être dans le vrai et si la véracité peut en agacer certains, j’avoue pour ma part m’être franchement laissée séduire par cette vision tout en finesse de l’auguste Rodin.

 

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