Peindre avec le temps pour pinceau, la lumière pour matériau. Choisir la poésie des espaces urbains abandonnés pour laisser libre cours à sa créativité. Faire jaillir des faisceaux de couleur la durée d’une performance qui s’apparente à une chorégraphie dansée dans des lieux sombres et désolés. Il n’en fallait pas moins pour que je me laisse séduire par le light painting, celui de Jadikan en particulier. Si le procédé n’est pas nouveau – Man Ray et Picasso ayant déjà crayonné l’air en leur temps – les nouvelles technologies, l’éclairage Led ont largement contribué à élargir le champ des possibles. Et puis point de recherches formelles liées à l’art moderne ici mais un travail indissociable des espaces urbains dans lequel il prend place et qui s’apparente à du Street Art.
Mais tout d’abord qu’est-ce que le light painting? Il s’agit d’une technique de prise de vue photographique qui consiste à utiliser un temps d’exposition long dans un environnement sombre en y déplaçant une source de lumière ou en bougeant l’appareil photo. La photographie obtenue ainsi révèle alors toutes les traces lumineuses dues soit à l’exposition directe du capteur à la source lumineuse, soit aux objets éclairés. Sachant parfaitement jongler avec cette technique, Jadikan s’en saisit pour poétiser des lieux choisis, en illuminer une partie avec sa fantaisie et ainsi les sublimer. Rencontre avec un artiste du 3ème type.
Luzy : Comment as-tu découvert la pratique du light painting?
Jadikan : Ma première image de « light painting » ( où toutes les sources de lumière qui allaient être captées étaient volontaires) je l’ai faite en 2005, avec un vieil appareil photo. Je me souviens que c’était un petit compact numérique limité à 8 secondes de temps de pose. J’étais alors en voyage au Laos, perdu dans la campagne. J’ai pris en photo, par accident, le mouvement d’un mégot de cigarette dans un environnement éclairé à la bougie. J’ai essayé, par la suite, de reproduire cet accident pour petit a petit en jouer.
Luzy : Raconte nous une séance.
Jadikan : Pour moi, chaque session s’apparente à une « expédition ». Et avant chacune de ces expéditions, je me demande souvent : est-ce que ce lieu, qui était accessible le mois dernier, le sera encore aujourd’hui ? Cette pièce, qui m’intéressait par les craquelures de son revêtement, n’aura-t-elle pas été utilisée par un artiste peintre en quête de « friche vierge », comme moi ? Ou encore, les vitres et miroirs que je souhaitais utiliser pour leur réflexion n’auront-ils pas été cassés à coups de pierre par de jeunes vandales ? (Quand bien même je remercie, la plupart du temps, ceux que je viens d’appeler « vandales » pour l’espèce de désordre, esthétiquement génial, qui règne dans un lieu après leur passage…)
Cependant, de moins en moins de séance type. Seul ou en groupe, le lightpainting peut se pratiquer dès qu’il y a un endroit sombre. Il faut toutefois toujours avoir une bonne connaissance de ses outils lumineux.
Luzy : Et les lieux, comment les choisis-tu?
Jadikan : Une bonne partie de mes travaux s’effectue dans des lieux abandonnés dans lesquels il est généralement interdit de pénétrer. Ces endroits sont sans lumière, des lieux que les villes ont choisi de laisser dans l’ombre, de laisser de côté. Si je cherche de tels lieux, c’est dans la mesure exacte où cela me permet d’avoir une maîtrise complète de la lumière qui arrive dans mon objectif et de pouvoir ainsi intégralement contrôler mes créations. Mais je dois dire que ma démarche évolue en permanence et que ma façon de m’approprier un lieu est en perpétuelle métamorphose. C’est l’espace qui me dicte ce que je dois faire de lui.
Rien que pour vos yeux :
En savoir plus :
> Le site Internet de Jadikan
> Bibliographie « Opus Délit n°28 / Jadikan : Lightning Project » / Critères Editions / ISBN : 978-2-917829-64-6
> Le dernier projet de stéréoscope original et ses visuels en relief : ici
> Des liens pour découvrir le light painting : ici
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