JOKER – Todd Philipps

Avant, je pensais que ma vie était une tragédie, mais je comprends maintenant que c’est une comédie.

Il y a des œuvres cinématographiques qui ne laissent pas indifférent, Joker en fait partie. Sombre et saisissant le film parle avant tout de folie. Celle d’un homme dépressif malmené depuis l’enfance, voguant de clown-sandwich en docteur-clown. Triste destin pour qui se rêvait humoriste condamné à éclater de rire à s’en brûler la gorge. Tantôt rabroué par des employeurs profiteurs, molesté par des passants malveillants, manipulé par des employés dévoyés, son seul refuge consiste à se terrer le soir dans un appart’ minable pour s’occuper d’une mère délirante obstinée à l’appeler Joyeux. 

Joyeux n’en a pourtant que le surnom. Rire devient un sacerdoce, faire rire un véritable supplice, le rouge sang de son costume tranchant sur le rire jaune de sa vie.

Pénétrer dans les méandres d’un cerveau malade, entendre ses acouphènes, s’immiscer dans la peau diaphane d’Arthur dont le corps meurtri danse le désespoir et la souffrance, voilà l’expérience qu’offre Todd Philipps condamnant le spectateur à ne plus faire la part des choses entre imaginaire et réalité. De blessures en cassures, de déceptions en persécutions, on entre en empathie avec Arthur (l’interprétation de Joaquin Phoenix est d’ailleurs prodigieuse), on l’accompagne jusqu’à la révélation qui le fera basculer dans la folie criminelle, dans la comédie de sa vie et le cynisme qui va avec.

Quand une société abandonne les plus fragiles et les malades mentaux, c’est le chaos. Laisser un papillon cabossé sortir seul de sa chrysalide et voler sans filet dans un monde qui l’a d’emblée rejeté, peut provoquer un ouragan. Annonciateur d’un changement salutaire? L’histoire ici ne le dira pas. Le pire comme le meilleur sont à venir. Seuls les amateurs de Batman le sauront. Car la foule en liesse grisée par celui qui deviendra le Joker, symbole d’une révolution, tuera les puissants parents du futur héros de Gotham City et parents supposés de l’anti-héros. Batman et le Joker sont-ils réellement des demi-frères ou tout a t-il été imaginé? A vous de trancher!

Empreint d’une incroyable poésie que l’on pourrait qualifier de « glauque » Joker attire irrémédiablement autant qu’il repousse. Dérangeant, beau, puissant, subversif, déroutant, autant de qualificatifs qui font de lui un vrai bon film.

 

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