Peut-on faire de l’art avec un mobile?

Si certains clament que prendre une photo avec son portable, y appliquer un filtre et la publier est à la portée de tout le monde et ne nécessite aucune compétence, d’autres au contraire y voient une nouvelle écriture photographique plus spontanée et la revendiquent sans hésitation comme artistique. Pour la première fois, une vraie galerie d’art ose proposer ses murs à la photographie mobile sous toutes ses formes. A une époque où tout le monde possède un appareil photographique et semble en quête du modèle le plus performant, dans la surenchère du pixel et du zoom, la pratique de la photographie mobile vogue à contre courant. Pourtant, l’art est dans l’œil de celui qui prend la photo, pas dans la sophistication de son appareil. Si vous avez toujours un doute, venez au Mobile Camera Club (MCC), vous allez être étonnés !

Le MCC c’est 4 personnes avec un background artistique solide. Une longue pratique de la peinture pour une, du graphisme pour une autre, beaucoup de recherche transdisciplinaire en littérature, philosophie et arts mais surtout un amour commun pour la photo. Et c’est par la photo qu’ils en arrivent un jour à se pencher sur nombre des acteurs de la scène du cliché via mobile, tombent dans la marmite et décident ensemble de créer leur propre galerie 3.0. Celle qui laissera enfin une juste place à ce mouvement artistique autrement qu’au format timbre-poste.

Pourquoi un lieu physique Stéphanie? Parce que nous souhaitons ancrer le virtuel dans le réel et rendre visible des photos noyées dans le flux continuel d’images dont on nous abreuve. Nous finissons par y perdre la vue, le sens critique et celui des réalités. Nous voulons montrer que la photo mobile peut aller au-delà du simple geste de poster. Qu’elle peut passer l’épreuve de l’impression et s’exposer. Pour nous créer cette galerie représente un moyen d’arrêter le flux, d’inviter le regard à mieux apprécier les détails et les subtilités d’une photo. Nous sommes à une époque où la réflexion n’a plus le temps de s’élaborer, l’époque du copier-coller qui refait du neuf avec du vieux parce qu’elle ne prend pas la peine de chercher, de se poser, d’observer. Nous voulions donner le temps à ces photos, leur donner une chance d’être vue, appréciées, commentées, adoptées.

Et qu’apporte selon vous la photo mobile par rapport à la photo plus « traditionnelle »? Nous avons fait ce choix parce que nous aimons ce qui questionne par la différence, ce qui est hybride et qui ne rentre pas dans les cases. Parce que c’est une manière différente de concevoir la photo, de la pratiquer et d’aborder son sujet. Nous l’aimons parce qu’elle parle beaucoup de notre époque.  Les réactions à son encontre en disent long sur les peurs, les réticences, les envies, les ignorances, les certitudes et les egos de ses contemporains. Les contraintes techniques qu’elle impose questionnent tant les pratiques photographiques que le geste créatif : qu’est-ce que la photo? Qu’est-ce que l’art? Qu’induisent-ils? Qu’est-ce qu’être un artiste à notre époque? Un professionnel de la photo? Un amateur? Quelles pratiques la société admet-elle, reconnaît-elle et pourquoi? Le jeu des applis accentue le caractère plastique de la photo. Elle redevient fortement expérimentale et ludique…et pour nous, c’est important de rester dans cette expérimentation, d’être à la recherche, de rester dans un mouvement, questionner des certitudes pour rester éveillé. Nous savons très bien que le smartphone est un appareil comme un autre. C’est pour cela que nous aussi nous voulons persister à faire de notre galerie un lieu d’accueil pour ce genre de photos. C’est un positionnement, contre les habitudes de pensée, l’ordre établi, la sclérose. Nous contestons ce qui est établi mais sans être en rupture avec le passé. La photo mobile est la petite-fille de la photo argentique, elle ne naît pas de rien. Elle a une histoire et une mémoire. Elle ne s’est pas créée contre une photographie plus traditionnelle mais avec et dans sa continuité. Nous voulons montrer qu’elle peut avoir un cerveau, un oeil, une démarche artistique, être originale et ne pas avoir à rougir de ce qu’elle est.

En explorant toutes les possibilités offertes par l’utilisation du smartphone, le Mobile Camera Club y croit dur comme fer à l’émergence de la photographie mobile, devenue témoin sociologique et culturel de l’époque. La galerie expose d’ailleurs du 20 novembre au 15 janvier le Tiny Collective – un des collectifs les plus connus pour qui s’intéresse au genre. Composé de 12 photographes de rue venus des 4 coins du monde, ce collectif développe une approche visuelle assez distinctive dans la droite lignée de la photographie sociale mais avec un goût particulier pour les situations où des personnages s’insèrent de manière onirique dans un environnement urbain graphique et géométrique. En images ça donne :

Dan Cristea

David Ingraham

Wes Quarles

Elif Suyabatmaz

Crispin D. Giles


En savoir plus

> Voir le site Internet du Mobile Camera Club
> Consulter leur page Facebook

Voir aussi…

Le Mobile Camera Club a participé à l’exposition Mobile Photo Paris qui a eu lieu fin 2012 au bastille design center. Petit aperçu de l’expo en panoramique.

Commentaires

  1. Avatar de Mona

    Très intéressant: les photos présentées ici en apportent témoignage…l’ambiance d’une photo prise au mobile est souvent très intimiste et très particulière j’en ai fait plusieurs fois l’expérience. Je les jugeais  » non montrables » et j’ai été très étonnée de l’accueil. L’émotion de la main et la manière dont on déclenche « à l’arrache » y est peut être pour quelquechose…

  2. Avatar de luzycalor

    Je me suis penchée un peu sur le sujet que je trouve intéressant. Quand tu vois ce que sont capables de faire des personnes comme Makus Andersen : http://vimeo.com/91902646, David Ingraham : http://davidingraham.zenfolio.com/f394546387 ou encore Catriona Donagh : http://www.mobilecameraclub.fr/collections/catriona-donagh, c’est hallucinant. Enfin moi ça me parle. Ce n’est pas l’appareil qui fait la photo mais l’œil que l’on a sur le monde, savoir regarder la lumière, capter un mouvement.

  3. Avatar de Polina

    C’est drôle, je suis tombée sur leur communiqué de presse aujourd’hui… 😉

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